Organisation de la Coopération Islamique
La Voix Collective du Monde Musulman

DISCOURS DU PROF. EKMELEDDIN IHSANOGLU, SECRETAIRE GENERAL DE L’ORGANISATION DE COOPERATION ISLAMIQUE A LA 20EME SESSION DU CONSEIL DE L’ACADEMIE INTERNATIONALE ISLAMIQUE DU FIQH   ORAN – REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE POPULAIRE

Date: 13/09/2012

Monsieur le Président, Eminences, Honorable délégués     Assalamou alaykoum wa rahmatoullahi wa barakatouhou   Je suis heureux de participer aujourd’hui à ce grand rassemblement islamique à l’occasion du déroulement de la 20ème session de l’Académie islamique internationale du Fiqh à Oran, deuxième plus grande ville et capitale culturelle de l’Algérie, qui n’a cessé d’entretenir depuis des temps immémoriaux la flamme vive de l’Islam authentique et dont les illustres Oulémas ont éclairé au fil de l’histoire, par leurs études, leurs écrits et leurs idées l’itinéraire de l’Islam et de la culture islamique, une culture qui a démontré qu’elle est totalement réfractaire à l’assimilation et à la disparition malgré les velléités et les tentatives incessantes du colonisateur qui avait  cherché vainement à éteindre cette flamme. Et voici qu’aujourd’hui les Oulémas éminents parmi nos contemporains viennent remplir l’enceinte de ce brillant foyer de la pensée islamique, convergeant des quatre coins de la planète pour participer aux débat du cénacle de savants et de chercheurs invités en l’occurrence à se réfléchir sur les arcanes de la jurisprudence islamique pour mieux dégager la position de l’islam et dire son point de vue concernant nombre de problématiques et de questionnements en relation avec les circonstances du vécu et de la modernité.   J’ai le plaisir en cette heureuse circonstance d’adresser l’expression de mes remerciements et de ma gratitude au  gouvernement et au peuple algériens pour avoir si généreusement accueilli cette grande rencontre d’intellectuels, qui ne manquera assurément pas d’enrichir la jurisprudence islamique dans les nouveaux domaines nés avec le nouveau millénaire et qui figurent en bonne place à l’ordre du jour de cette session.   Le monde musulman se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins avec les grands bouleversements qui sont en train de secouer la planète et avec les défis démesurés dont ces bouleversements sont porteurs et qui ne manqueront pas d’avoir des conséquences immenses sur l’avenir. Ces défis doivent être relevés à travers une approche stratégique et prospective par laquelle le monde musulman pourra appréhender cette conjoncture en s’armant d’une volonté collective inébranlable et à travers l’action islamique commune. D’où la nécessité de déployer le maximum d’efforts pour renforcer l’esprit de solidarité islamique et de fraternité entre les musulmans.   On ne peut ne pas évoquer à cet égard la thèse défendue par le penseur algérien feu Malek Bennabi dans nombre de ses livres, pour parler de l’attitude de la civilisation islamique au niveau de ses relations avec les autres civilisations et notamment ce qu’il appelait « la restitution de l’efficience à la civilisation islamique », en insistant sur le fait que le musulman n’a pas abdiqué sa foi mais c’est la foi qui a renoncé à être efficace, et qu’il est donc nécessaire de rendre au dogme islamique son efficacité et son impact social après la démission de la civilisation islamique vis-à-vis de l’histoire. En résumé, la problématique consiste moins à prouver aux musulmans que Dieu existe que de leur faire prendre conscience de la présence de Dieu.   Honorables Oulémas,   L’histoire de l’islam fourmille d’écoles, d’idéologies et d’exégèses et s’est heurtée à un grand nombre d’idées et de thèses répandues par la multitude des sectes, tendances, obédiences et religions antérieures, ce qui ne l’a pas empêchée de rester fidèle aux sources et solidement ancrée dans le dogme. C’est ainsi que l’islam a su tirer parti et assimiler tous ces apports pour bâtir une civilisation grandiose, porteuse d’idéaux humanistes supérieurs, chose dont les civilisations antiques ne pouvaient se targuer. Ces idéaux s’articulent autour de l’unicité du Créateur et tournent autour des principes de la tolérance et de la liberté de conscience. Le saint Coran abonde de sourates qui corroborent ces principes de tolérance et d’ouverture à l’opinion adverse. C’est ainsi que la Sourate Al-Kafiroun nous dit « vous avez votre religion et moi la mienne ». On lit également dans plusieurs autres sourates les mêmes commandements, dont à titre d’exemple : « nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous vous connaissiez les uns les autres », « Allah est notre Dieu et le votre ; nous avons nos œuvres et vous avez les vôtres » ; « nous ne faisons point de distinction entre ses envoyés …, « point de contrainte en religion » etc. cette tolérance et cette mansuétude immense, cette pluralité intellectuelle, porte la marque distinctive de la civilisation islamique et en illustre la vitalité, à l’opposé du fanatisme des adeptes des autres religions.   L’islam possède un patrimoine immense en termes de coexistence pacifique et d’harmonie entre les différentes écoles et obédiences. Toutefois, l’histoire de l’islam a connu épisodiquement quelques phases marquées par le fanatisme, chose qui avait poussé les Oulémas de la Oummah à se pencher sur cette question et à lui consacrer des travaux de recherche et d’analyse depuis bien longtemps. Pour diagnostiquer la chose, j’aimerais citer ici les propos du Hojat islam, l’imam Ghazali, au 5ème siècle de l’hégire, à savoir que « le principe de ce fanatisme n’est autre que le souci de certains de s’arroger le pouvoir  en ralliant des partisans parmi les masses », ce qui signifie que le fanatisme vient de l’ignorance des foules et de l’opportunisme des prétendants au pouvoir. Je me dois également de rappeler que cet éminent jurisconsulte nous avait montré la voie pour nous libérer de cette forme de fanatisme en professant « qu’il n’est point de salut que dans l’indépendance » autrement dit : il faut se garder de toute tendance fanatique et ne pas se laisser entrainer par la pensée sclérosée et le mimétisme aveugle.   Aujourd’hui où l’on voit resurgir ces phénomènes, un fait nouveau saute aux yeux, qui est la tentative de certains d’exploiter telle ou telle doctrine pour la propager et l’instrumentaliser à seule fin de réaliser certains objectifs politiques et de transformer leur thèse en une véritable idéologie. Il importe de déployer tous les efforts pour lutter contre ce phénomène pernicieux en définissant soigneusement la relation entre la politique et la doctrine et en se gardant d’exploiter les madhahibs comme argument idéologique pour étendre son influence politique.   Il existe certaines divergences doctrinales qui étaient restées assoupies jusque là et qui ont commencé à apparaitre à la surface pour les mêmes raisons que je viens de citer. Il est nécessaire et urgent de faire baisser la tension avant qu’elle ne s’amplifie et que les risques ne deviennent encore plus grands. A cet égard, le plan d’action décennal qui a été avalisé par le sommet historique de la Mecque en décembre 2005 a insisté fort justement sur la nécessité d’approfondir le dialogue entre les madhahibs : le hanafisme, la hanbalisme, les malékisme, le chafiisme, le jaafarisme, l’ibadisme, le zaydisme, et le zâhirisme ; et d’établir en même temps la justesse de la foi islamique commune aux adeptes de toutes ces écoles, de ne pas les excommunier, et de bien affirmer que leur vie, leur honneur et leurs biens sont sacrés et intouchables aussi longtemps qu’ils croient en Dieu et en son Prophète (PSL) et qu’ils adhèrent à tous les autres piliers de la foi, respectent leurs obligations rituelles et ne contestent pas les préceptes de la religion.   Cette situation nous fait prendre conscience de notre responsabilité pour mettre fin à ces divergences par la voie du dialogue entre les madhahibs. Tel est précisément le but de l’initiative prise par le Serviteur des deux saintes mosquées, lors du 4ème sommet islamique extraordinaire, en annonçant la création d’un centre pour le dialogue entre les madhahibs. L’impératif de mettre en œuvre cette initiative est des plus pressantes, car à l’heure de la mondialisation aucun Etat ni aucun individu n’est peut vivre isolé de tous les autres.   D’un autre côté, l’état de lieux montre aujourd’hui que beaucoup de gens ont commencé à appréhender la culture islamique actuelle en tant que culture  dont le monde extérieur a peur et qui elle-même aurait peur de ce monde extérieur. Nous nous devons de conjuguer tous nos efforts pour sortir de ce tunnel obscur le plus vite possible en nous ouvrant sur le monde, en nous imprégnant de l’esprit de tolérance consubstantiel à l’islam, en acceptant l’autre, en transcendant le discours qui tend à vouloir se réfugier dans le passé et à se recroqueviller sur des phases historiques maintenant dépassées, tout comme nous nous devons de participer à la marche de l’islam des lumières, un islam qui a épousé son temps, et qui avance sur la voie de la modération, du juste milieu et de l’équilibre à tous les échelons sociaux, humanistes et scientifiques. Car ne vivons pas ni ne pouvons survivre en étant coupés des autres. Ces autres avec lesquels nous partageons le vécu et le devenir, de même que nous partageons les contingences de la vie quotidienne et participons ensemble à diverses activités comme l’économie, le commerce, la gestion, la médecine, le droit, le monde cybernétique etc.   Honorables Oulémas.   L’académie internationale islamique du Fiqh a été appelée à participer à la sensibilisation du public à la nécessité de bannir la surenchère et l’extrémisme et de faire régner l’esprit de modération. Le 3ème sommet islamique extraordinaire tenu à la Mecque en 2005 avait donné mandat au Secrétaire général pour se charger de la restructuration de l’académie afin qu’elle puisse s’adapter aux exigences de la conjoncture internationale et aux nouveaux défis que le monde musulman doit relever. Le programme d’action décennal issu de ce sommet a défini les objectifs des réformes qu’il incombe à l’académie de concrétiser. Le Secrétaire général a constitué un panel de jurisconsultes et a œuvré à faire évoluer et restructurer l’académie, à concrétiser la convergence intellectuelles entre toutes les obédiences, en capitalisant la riche diversité et le pluralisme constructif qui distinguent les différentes écoles et ce dans un souci de coordination entre les instances habilitées à émettre des fatwas dans le monde musulman et de barrer la route au fanatisme dogmatique et à la surenchère en religion. Il s’agissait également de déjouer les tentatives de certains qui s’évertuent à vouloir excommunier et taxer d’hérésie les différents madhahibs et leurs fidèles, et ce en propageant l’esprit de modération, de tolérance et d‘indulgence parmi les adeptes de ces madhahibs. L’académie a, Dieu merci, réussi dans cette entreprise, ce qui fait que nous disposons aujourd’hui de perspectives claires qui nous guident et nous montrent le bon chemin dans nos travaux de jurisprudence avec toutes leurs ramifications.   Toutes ces considérations soulignent l’importance réelle de l’œuvre admirable que l’académie est en train d’accomplir avec un sens aigu de la responsabilité et en assumant les charges qui lui sont dévolues dans les domaines du Fiqh et dans l’examen des multiples questions dont elle est saisie, de manière à unifier les fatwas islamiques et à infirmer les fatwas anarchiques et fantaisistes qui sont fabriquées de toute pièce par des gens incompétents ou présomptueux qui exploitent le filon des fatwas pour servir leurs intérêts sordides. Ces efforts ont permis d’éclairer la voie à la solidarité, qui mène à l’unité entre les différentes strates et factions de la Oummah musulmane. Ce faisant, l’académie s’est muée en une tribune jurisprudentielle qui est l’instance suprême à l’échelle du monde musulman et constitue une référence se distinguant par la crédibilité, l’exhaustivité et le consensus, venant ainsi combler à point nommé une lacune institutionnelle dans le domaine de la coordination des idées et de l’harmonisation des positions islamiques et, donc, l’unification de la perspective, du discours et des rangs, d’où une solidarité islamique accrue.   Je me dois ici de féliciter l’académie et ses cadres pour le parachèvement de l’encyclopédie Zayed des règles du Fiqh et de la théologie, qui constitue un immense travail encyclopédique que l’académie peut se tarder d’avoir mené à son terme en collaboration et en coordination avec la fondation caritative et humanitaire Sheikh Zayed. Je saisirais cette opportunité pour adresser mes remerciements et mes hommages à cette fondation et à ceux qui président à ses destinées ainsi qu’aux éminents Oulémas qui ont eu le mérite de nous gratifier de cette œuvre scientifique grandiose. Je voudrais par la même occasion m’incliner à la mémoire de feu Sheikh Zayed Bin Sultan al-Nayhan, puisse le Seigneur l’accueillir dans son infinie miséricorde, pour le soutien généreux apporté à ce projet.   Qu’il me soit permis en conclusion, de dire que les travaux remarquables de cette session tendent à concilier la chose publique avec la sphère privée et à relier les aspects du vécu avec la pensée rationnelle. Ce cénacle savant remplit ainsi la mission dévolue à l’académie de manière professionnelle et rationnelle et contribue à enrichir cette diversité au moyen des recherches et des thèses diverses qui profitent au public en général et vont le sens des intérêts de l’islam et des musulmans. Compte tenu de ces réalités et dans le souci de mobiliser les ressources suffisantes permettant à l’académie de mener ses activités de manière efficace et avant-gardiste, je suggère aux Etats membres de créer un waqf pour l’académie dont le rendement servirait à en financer les nombreuses activités, eu égard au grand profit que nous avons déjà pu retirer de ses activités antérieures.   Je pense également qu’il est de mon devoir avant de terminer d’évoquer la mémoire de notre maître l’illustre ouléma Sheikh Habib Belkhodja, fondateur de cette académie, sur lequel nous appelons la clémence de Dieu et la rédemption. Je saisis également cette occasion pour remercier notre frère le Dr. Abdessalam Al-Abbadi, qui a assuré le Secrétariat de l’académie avec compétence et talent et a œuvré à concrétiser la vision nouvelle esquissée par le groupe de travail ad hoc. Nos remerciements s’adressent également à son éminence le Dr. Ahmed Khaled Babacar, l’actuel secrétaire de l’académie, pour ses efforts inlassables à la tête de cette institution et à qui nous souhaitons, de même qu’à ses collaborateurs, le plein succès dans leur mission.   Je voudrais aussi exprimer mon appréciation sincère et ma gratitude à son éminence le Dr. Saleh Bin Hamaed, président du conseil de l’académie, ainsi qu’à M. les Oulémas membres du conseil, pour leur soutien et leur suivi des activités de l’académie, qui ont permis à celles-ci d’accomplir au mieux les missions qui lui sont confiées. Puisse Dieu leur accorder la meilleure des rétributions.   Enfin, je réitère mes remerciements au gouvernement algérien pour la généreuse hospitalité qu’il a réservée à notre réunion.   Puisse le Seigneur vous accorder encore plus de succès dans vos nobles tâches et consacrer pleinement les délibérations que vous entamez, méritant de la sorte la meilleure des récompenses divines. Wassalamou alaykoum wa rahmatoullahi wa barakatouhou

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