Date: 17/09/2011
Chicago, Illinois, 16 Septembre 2011
Excellences,
Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un motif de grande satisfaction que de vous accueillir tous à l’occasion de cette importance conférence du Collège Islamique Américain, qui tient ses assises dans la célèbre « cité des vents » de Chicago, au cœur des Etats-Unis d’Amérique. J’aimerais plus particulièrement souhaiter la bienvenue à nos distingués hôtes, et en premier lieu l’Envoyé Spécial du Président Obama, M. Rashad Hussein, la députée Jan Schakowsky, le député Mike Cougley, les membres de la législature d’Etat de l’Illinois, la sénatrice Jacqueline Y. Hannah Rosenthal, et les représentants du département d’Etat et du corps diplomatique, de même que les éminents érudits des institutions académiques venus des quatre coins des Etats-Unis et qui se trouvent aujourd’hui parmi nous. Merci à eux tous d’être des nôtres.
L’un des principaux buts de cette conférence est de célébrer les réalisations et les acquis de la communauté musulmane américaine et de souligner les relations qui unissent depuis fort longtemps les Etats Unis et le monde musulman, représenté par les 57 Etats membres de l’OCI, relations que la communauté musulmane d’Amérique a tant fait pour renforcer et cultiver. J’espère que nous aurons le loisir de décortiquer ici les récents changements qui s’étendent à travers le monde musulman, d’identifier les moyens de soutenir et d’encourager la bonne gouvernance, la séparation des pouvoirs et le respect des droits humains et de contribuer en même temps à amener la paix et la tranquillité aux peuples du Moyen Orient et au delà.
Au moment où nous avions organisé pour la première fois une conférence analogue l’an dernier et ici même, cet évènement avait été salué à l’époque comme étant une opportunité historique. Le collège islamique américain a été récemment rénové et l’OCI s’est engagée depuis dans une ère nouvelle au niveau de sa relation avec les Etats Unis et avec la communauté musulmane américaine, dans un esprit renouvelé d’enthousiasme et d’empressement.
Au cours de l’année écoulée, l’OCI, qui entend aller de l’avant dans son programme d’action décennal adopté en 2005 par le Sommet de la Mecque, avait entrepris de promouvoir les principes de bonne gouvernance et les droits humains à travers le monde musulman et s’était efforcée de relever les défis grandissants auxquels les Etats membres et les minorités musulmanes se trouvent confrontés dans les domaines politique, social et économique. Mais, fait encore plus important, l’OCI a révisé entretemps sa propre charte, initié son processus de réforme interne, changé de nom pour adopter celui d’Organisation de Coopération Islamique et opté pour un nouveau logo afin de mieux refléter sa mission et sa vision.
Confortée et inspirée par la vision et les objectifs de la nouvelle charte et du PAD, nous avions entrepris de rehausser le prestige de l’OCI pour lui donner plus de visibilités au niveau international et pour en faire une organisation plus dynamique et un acteur incontournable parmi les institutions internationales.
Le résultat en est que l’OCI a pu établir une coopération extrêmement productive et fructueuse avec l’administration et les officiels des Etats Unis sur un grand nombre de dossiers. L’étendue de ces relations et l’importance que Washington accorde à l’OCI ont été illustrées par une rencontre historique avec le Président des Etats Unis voilà quelques mois. Pour la première fois, un Président américain recevait ainsi officiellement un secrétaire général de l’OCI à la Maison Blanche.
Au cours de l’entretien, le Président Obama m’avait exprimé son appréciation de la coopération probante et de l’engagement entre les Etats-Unis et l’OCI, et plus particulièrement sur des projets qui ont permis de venir en aide aux populations sur le terrain, comme ceux destinés à promouvoir la santé maternelle et infantile et à éradiquer la polio et les autres maladies évitables.
Le Président a également apprécié l’implication croissante de l’OCI dans le règlement de plusieurs crises politiques auxquelles la communauté internationale fait face et s’est félicité de l’étroite coopération établie avec le département d’Etat et avec la Secrétaire Clinton.
J’ai également eu l’occasion de visiter le Capitole où j’ai rencontré les membres du congrès et leurs collaborateurs pour les briefer sur l’action, la mission et la vision de l’OCI. Cette initiative avait constitué une première étape positive dans nos efforts pour que les législateurs américains soient plus conscients du rôle de l’OCI sur la scène internationale.
Mesdames et Messieurs,
Les Etats-Unis d’Amérique sont une grande nation, et, en tant que première puissance planétaire, ils assument à ce titre une grande responsabilité qu’ils ont remplie sur la scène internationale tout au long de ces 60 dernières années. La contribution que les musulmans américains loyaux ont apporté et continuent d’apporter chaque jour au service de leur patrie et de leur communauté est peut être, quant à elle, relativement moins connue.
Le Président Obama a récemment déclaré au cours d’une réception d’Iftar donnée à la maison blanche le mois dernier :
« l’Islam a toujours fait partie de notre grande famille américaine et les musulmans américains ont beaucoup contribué à forger et à renforcer le caractère de notre pays dans tous les domaines de l’existence ».
Les communautés musulmanes américaines comptent en effet parmi les mieux éduqués et les plus prospères. Dans le monde des affaires, de la politique, du droit et des médias, ces musulmans ont fait la preuve de leur attachement aux valeurs de la famille et à l’esprit communautaire. Ils ont servi de modèle positif pour tous les autres américains.
Aujourd’hui, et maintenant qu’une décennie entière s’est écoulée depuis les horribles crimes du 11 septembre 2001, les musulmans américains ont assurément un rôle encore plus important à jouer en ouvrant la voie à la participation agissante aux mouvements politiques positifs et à la création d’une société juste, pacifique et intègre. Plusieurs indications révèlent des signes positifs de développement et constituent un motif d’espoir pour un futur meilleur et plus prometteur pour la communauté musulmane américaine. Cette communauté a été bénie de Dieu du fait qu’elle compte dans ses rangs de nombreux individus qui ont été aptes à accéder à des positions respectables au sein de la société et ont réussi dans la foulée à tirer vers le haut beaucoup d’autres.
J’aimerais souligner ici que ce qui s’était passé le 11 septembre 2011, était extrêmement maléfique et criminel. C’est un véritable crime contre l’humanité. Nous avons tous ressenti beaucoup de peine et de consternation. C’est en fait bien plus un crime au regard du droit islamique qu’il ne l’est au regard de la constitution américaine ou aux termes du droit international et de ses covenants. Le terrorisme n’a point de religion. Il a pour seul but de répandre la haine et la destruction parmi les sociétés civilisées.
L’Islam, qui prêche la tolérance, la modération et la compassion, fait une obligation pour les musulmans de veiller au bien être de leurs semblables, c'est-à-dire de tous les autres êtres humains et de toutes les communautés au sein desquelles ils vivent. Et aussi l’obligation d’œuvrer pour le bien commun de tous. C’est pourquoi les musulmans doivent toujours prendre garde à ne pas se sentir provoqués ou à agir sous l’emprise de la colère, ce qui risque de les distraire de leur engagement fondamental envers l’humanité.
Ils ont également besoin de jouer pleinement leur rôle dans la vie de leur nation. Et avant tout, de présenter un bon exemple de la véritable essence de leur foi et de montrer ce qu’ils sont réellement.
Il est donc impératif pour les dirigeants des communautés musulmanes américaines de défendre les principes du droit et de la justice et de soutenir les justes causes. Il leur incombe de se joindre aux autres groupes pour lutter contre l’injustice et la corruption. D’autant plus qu’un tel engagement va dans le sens des préceptes de l’Islam.
Il est aussi important de construire les institutions et de développer les ressources humaines. Chacun doit avoir à l’esprit que la force de la communauté ne procède pas seulement de l’activisme mais requiert aussi une planification stratégique précise. En démocratie, le nombre compte certes mais la force « technique » des individus reste également essentielle pour la création des masses critiques.
En effet, la communauté musulmane d’Amérique a l’obligation de se battre durement pour participer à l’essor de sa nation et elle doit fournir un effort particulier pour éliminer les séquelles du 11 septembre, comme on l’a vu une nouvelle fois lors de la récente commémoration du 10ème anniversaire de ce triste évènement. Les musulmans américains doivent vivre avec le sens de la responsabilité et du fardeau qui consiste à prouver que les agissements d’un petit nombre ne doivent pas être attribués à tous et qu’une telle généralisation est erronée et injustifiée. C’’est une chose que la communauté musulmane américaine doit assumer.
Nous vous invitons, vous-mêmes et toutes les communautés musulmanes dans le monde à être des membres objectifs et utiles de vos sociétés et les meilleurs ambassadeurs de votre religion. Effectivement, et dans le cadre de notre charte révisée, nous avons réitéré notre engagement à soutenir les communautés et les minorités musulmanes et à les aider à devenir de bons citoyens et des membres productifs de leurs pays respectifs.
Mesdames et Messieurs,
Ces derniers temps, l’OCI a commencé à s’engager plus activement sur la scène mondiale. Au moment où l’on a assisté à la déferlante des évènements au Moyen orient et en Afrique du Nord avec le fameux « printemps arabe », l’OCI a apporté des contributions significatives aux différentes initiatives diplomatiques publiques et privées. Conformément à notre ferme attachement aux droits humains et à la démocratie, nous avons salué l’appel aux changements démocratiques tels qu’exprimés à travers le soulèvement populaire interne dans ces pays.
Il ne fait pas de doute que le monde musulman se trouve au seuil d’un moment décisif dans son histoire, un moment où s’affirme encore plus la nécessité impérative d’accélérer le processus de concrétisation de l’aspiration des peuples à la bonne gouvernance, à la séparation des pouvoirs, aux droits humains, à une participation politique élargie et à un dialogue national sincère.
La charte et le PAD de l’OCI s’inspirent des principes de modération et de modernisation. Tous deux se basent sur une vision prospective qui comporte des solutions appropriées pour un tel malaise social et pour un éveil des consciences tel que celui dont nous sommes témoins aujourd’hui dans le monde musulman.
Au cours de mes récentes visites en Egypte et en Tunisie, j’avais exprimé d’espoir que ces changements permettront de renforcer la bonne gouvernance, la séparation des pouvoirs, la démocratie et le développement économique.
En Libye, nous avons plaidé pour une solution politique à la crise qui soit basée sur la reconnaissance des aspirations légitimes du peuple libyen à la démocratie, à la justice, à la séparation des pouvoirs et aux réformes politiques. Nous nous sommes impliqués au plus haut niveau international et participé à maintes réunions du groupe de contact pour la Libye afin de trouver des solutions permettant de mettre fin à la violence à l’encontre des civils et aussi à permettre un accès sans entraves à l’assistance humanitaire.
Nous reconnaissons le Conseil National de Transition de Libye (CNT) en tant qu’unique autorité légitime en Libye et avons confiance dans son leadership. Nous soutenons le CNT sur la mise en œuvre de la « feuille de route pour la Libye » durant la phase post/conflit telle qu’approuvée par le groupe international de contact, incluant les représentants des Etats-Unis et d’autres pays membres de l’ONU et de l’OCI.
L’OCI suit avec une vive préoccupation les évènements violents dont un certain nombre de localités syriennes sont le théâtre. Nous avons appelé au dialogue national et à une mise en œuvre prompte des réformes annoncées par le leadership syrien pour mettre un terme à la violence ciblant à la fois les civils et les forces de sécurité.
Les récents développements au Yémen confirment la pertinence de nos appels répétés à toutes les parties quant à la nécessité de faire preuve de retenue ainsi que la nécessité de résoudre la crise actuelle par le dialogue et l’entente en vue de garantir la sécurité et la stabilité ainsi qu’une transition pacifique du pouvoir.
En Somalie, j’ai continué à mobiliser les Etat membres pour accorder toutes les formes d’assistance à ce pays. Plus récemment, et lors de la réunion du comité exécutif de l’OCI, tenue à Istanbul, au niveau des ministres des Affaires étrangères, le chiffre de 500 millions de dollars a été fixé comme objectif. L’OCI a également mis en place une coalition humanitaire pour secourir la Somalie, qui comprend plus de 20 organisations travaillant sous les auspices de l’OCI. Cette coalition est la plus grande instance de mise en œuvre présente sur le terrain en Somalie, où elle travaille efficacement dans toutes les régions. L’OCI reste la seule organisation internationale autorisée par toutes les parties à maintenir un bureau d’assistance permanent en Somalie.
Nous espérons que dans tous les pays où un changement est en train de s’opérer, les citoyens feront de leur mieux pour préserver l’unité nationale, la souveraineté et l’intégrité territoriale de leur patrie. Il serait sage de tirer la leçon de l’histoire pour éviter une répétition des erreurs commises en Irak et en Afghanistan. La construction de la nation doit être un processus politique inclusif et en tant que telles les institutions obsolètes et la bureaucratie devront être éradiquées afin de mettre en place de nouvelles institutions démocratiques.
L’OCI croit fermement que la prévention et le règlement des conflits appellent une approche multidimensionnelle et non pas seulement le recours aux moyens militaires, afin de garantir une paix durable. Notre Organisation attache ainsi une énorme importance à identifier et à extirper les racines profondes des conflits et des différends. Les principaux atouts de l’OCI résident dans sa force relative, son honnêteté, sa crédibilité, sa neutralité, son impartialité et le fait qu’elle est globalement acceptée dans le monde musulman où elle jouit également d’un grand respect.
Mesdames et Messieurs,
J’aimerais attirer votre attention sur les efforts de l’OCI pour combattre l’intolérance et la discrimination basées sur les convictions religieuses. Le 15 juin 2011, l’OCI a abrité une réunion ministérielle coprésidée avec la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton dans les locaux de l’IRCICA qui sont installés dans le palais historique de Yildiz à Istanbul, pour discuter de la mise en œuvre de la résolution 16/18 du Conseil des droits de l’homme sur « la lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence à l’encontre des individus en raison de leur religion ou de leur conviction ».
La réunion a réaffirmé l’engagement des participants à veiller à la mise en œuvre effective des mesures prévues par la résolution 16/18 et également à créer une opportunité pour une coopération accrue avec les Etats-Unis.
Dans son intervention, Madame Clinton a déclaré que la réunion et l’engagement partagé qu’elle représente, revêtent une importance vitale : « c’est l’un de ces événements qui ont de grandes ramifications allant bien au delà de cette salle » a-t-elle dit en applaudissant l’OCI pour avoir contribué à faire passer la résolution 16/18 au Conseil des droits de l’homme. Mme Clinton a également noté que « avec cette résolution, la communauté internationale a fait un grand pas vers la liberté d’expression et la liberté du culte de même que contre la discrimination et la violence basées sur la religion ou la conviction ».
J’ai toujours mis en garde contre les implications dangereuses de l’intolérance, de l’incitation à la haine religieuse et contre la campagne menée contre la diversité culturelle par certains groupes d’extrême droite et politiciens aux Etats-Unis et en Europe. Les éléments radicaux de droite ont réussi à créer une image négative des musulmans en les dépeignant comme « une menace » à la civilisation occidentale, ce qui a poussé certains gouvernements européens à imposer des restrictions et à bannir certaines pratiques culturelles et certains dirigeants musulmans. Le récent massacre en Norvège aura seulement amplifié notre préoccupation à propos de l’influence grandissante des propagateurs de la haine et de l’intolérance qui corrompent les esprits des plus jeunes.
L’OCI a constamment poursuivi une politique de dialogue pragmatique avec les autres communautés afin de dissiper les malentendus éventuels entre les musulmans et leurs voisins non musulmans. Elle a également et toujours tendu la main à la coopération sur les questions d’intérêt commun.
Mesdames et Messieurs,
Nous vivons actuellement des moments difficiles dans le monde entier mais aussi des moments de grands espoirs et de grandes aspirations. Les récentes avancées proprement phénoménales accomplies par la technologie et le pouvoir de la jeunesse et de l’innovation ont apporté ensemble des changements qui ont métamorphosé notre mode de vie et changé radicalement notre façon de voyager, de communiquer et de vaquer à nos affaires, ce qui augure d’un monde bien meilleur. L’avenir s’annonce prometteur et le futur est empli de challenges et d’opportunités. Ces opportunités ne sont nulle part plus prolifiques qu’ici en Amérique et elles ne sont nulle part plus ouvertes à la communauté musulmane qu’ici aux Etats-Unis. J’espère que le vent du changement soufflera librement à partir de cette « cité venteuse » et qu’il s’étendra partout.
Pour conclure, j’aimerais remercier le collège islamique américain pour ses efforts et vous remercier vous tous d’avoir été des nôtres ce matin.
J’attends impatiemment de suivre vos travaux et de participer à vos délibérations.
J’attends également avec enthousiasme d’assister à une autre auguste assemblée qui se déroulera encore une fois ici à l’occasion de la prochaine conférence annuelle, qui aura à son ordre du jour un riche agenda et drainera des participants enthousiastes.
Je vous remercie tous de votre attention et pour l’opportunité que vous m’avez procuré de partager ces réflexions avec vous.
Merci à tous.