Date: 29/01/2007
Honorables invités, Mesdames et Messieurs, Permettez-moi, tout d’abord, d’adresser mes sincères remerciements et l’expression de ma profonde gratitude à l’Institut Français des Relations Internationales, qui m’a si aimablement invité à prendre la parole devant cet auguste aréopage pour évoquer un thème qui revêt une importance grandissante dans le contexte international contemporain et suscite un intérêt croissant tant en Europe que dans le monde musulman. L’histoire de l’humanité est un processus ininterrompu d’emprunts mutuels, un processus « d’osmose et de métissage » culturel. Depuis l’aube des temps, les hommes ont constamment, au fil des siècles, échangé leurs points de vue et leurs réflexions sur leurs modes de vie respectifs, et sur des notions telles que les moyens de survie, la production, le commerce, la construction de l’état, la technologie, aussi bien que sur les problématiques culturelles et religieuses. Les frontières entre les différentes cultures sont en général assez confuses et incertaines. D’où la difficulté à vouloir dire où elles commencent et où elles finissent. En Europe, les contacts interculturels étaient si intenses et si fréquents au cours des deux derniers millénaires que nul ne peut affirmer catégoriquement qu’untel est un intrus, étranger au Vieux Continent, et que tel autre est un authentique autochtone. C’est dans ce contexte si complexe que se placent les relations entre l’Islam et l’Europe. Fort heureusement, la donne a changé et ces relations apparaissent aujourd’hui comme l’exemple frappant d’un processus constructif et pluriséculaire d’emprunts mutuels entre les cultures et les civilisations. On peut ainsi affirmer sans risque de se tromper que cette interaction entre la civilisation de l’Islam et celle de l’Occident est - historiquement parlant - une interaction unique et sans précédent, eu égard à sa portée et à sa durée. La proximité géographique, l’ouverture d’esprit, les fils entrelacés des échanges et la convergence des intérêts, auront joué un rôle capital dans l’établissement de ces relations. Depuis le début, l’Islam avait frappé à la porte de l’Europe. Douze ans après la mort du Prophète Mohamed, on pouvait déjà voir des Musulmans en Arménie, en Géorgie, au Daghestan et partout ailleurs, y compris dans certaines provinces de l’Empire byzantin. Mois de 80 ans après, les Musulmans étaient en Espagne, et moins de 12 ans plus tard, dans le Sud de la France. La présence des Musulmans en Espagne a perduré pendant quasiment huit siècles. Leur présence là-bas a marqué l’histoire de l’Europe et joué un rôle extraordinaire dans la propagation de la science et du savoir comme, du reste, dans la dissémination des idéaux de tolérance et de coexistence pacifique sur le vieux continent. Il suffit de rappeler à cet égard que la civilisation islamique avait contribué à l’avènement de la Renaissance et du Siècle des Lumières en Europe. Cette contribution est des plus évidentes. Permettez-moi de citer à ce sujet le Prince de Galles, Son Altesse Royale le Prince Charles, qui, dans une conférence, avait déclaré ce qui suit : « … Nous avons sous estimé l’importance des 800 années de la société et de la culture islamiques en Espagne entre le 8ème et le 15ème siècles. Non seulement les Musulmans d’Espagne avaient compilé et préservé le legs intellectuel de la civilisation de la Grèce Antique et de Rome, mais ils ont aussi interprété et propagé cette civilisation et apporté une contribution vitale à maints domaines de la connaissance universelle en science, en astronomie, en mathématiques, en algèbre (mot arabe), en droit, en histoire, en médecine, en pharmacologie, en optique, en agriculture, en architecture, en théologie, voire en musicologie. Averroès et Avenzoar, à l’instar de leurs pairs Avicenne et Rashi au Levant, ont donné à l’étude et à la pratique de la médecine un solide viatique dont l’Europe a continué à tirer profit pendant plusieurs siècles. Au 10ème siècle, Cordoue était la ville la plus policée d’Europe. Beaucoup de traités dont l’Europe s’enorgueillit aujourd’hui lui viennent en réalité de l’Espagne musulmane. La diplomatie, le libre échange, l’ouverture des frontières, les techniques de la recherche académique, l’anthropologie, les règles de l’étiquette, le stylisme, la médecine alternative, les hôpitaux publics, nous ont été légués par cette brillante métropole, qui était en quelque sorte la ville des superlatifs. L’Islam médiéval était une religion qui avait fait preuve d’une tolérance remarquable pour l’époque, en permettant aux Juifs et aux Chrétiens de pratiquer librement leur culture héréditaire, et en donnant par ce faire un exemple qui, hélas, ne fut guère suivi pendant de nombreux siècles en Occident. La surprise, Mesdames et Messieurs, c’est l’étendue réelle de la présence de l’Islam dans cette Europe dont il avait fait si longtemps partie intégrante, d’abord en Espagne et ensuite aux Balkans, mais aussi l’importance de son apport à cette civilisation dont nous pensons trop souvent, à tort, qu’elle est entièrement et exclusivement occidentale. L’Islam fait partie de notre passé et de notre présent dans tous les aspects de l’aventure humaine. Il a aidé à créer l’Europe moderne. L’Islam est une composante de notre propre patrimoine, et non une pièce rapportée ». Fin de citation. Ce jugement fort avisé de la part d’une haute personnalité européenne honorablement connue place-t-il l’Islam dans la catégorie des intrus malveillants en Europe ou bien, au contraire, parmi les rangs de ceux qui ont contribué de façon indiscutable à l’essor et au progrès du Continent ? De surcroît, le règne islamique en Europe Orientale sous les Ottomans fut un autre exemple frappant de tolérance, de coexistence pacifique et d’harmonie entre citoyens appartenant à des ethnies, à des religions ou à des confessions différentes. C’est bien grâce à ces principes et à ces pratiques empreints de tolérance que plusieurs populations de la Région des Balkans avaient jadis choisi de leur plein gré d’embrasser la foi islamique. Aujourd’hui, l’Europe s’enorgueillit de son système démocratique et tire une légitime fierté de ses valeurs libérales de laïcité et de tolérance. Or, toutes ces pratiques et valeurs sont respectées dans les pays musulmans. Nous savons que l’Europe a souffert et qu’elle a payé un lourd tribut aux deux guerres mondiales du début du siècle dernier mais les atrocités auxquelles ces deux conflits et autres guerres européennes avaient donné lieu n’ont été ni commises par des Musulmans ni dirigées contre eux, mais entre Chrétiens ou par des Chrétiens à l’encontre de Juifs. On n’a jamais dit, ou presque, que des millions de Musulmans d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, s’étaient battus aux côtés des Alliés et qu’ils avaient sacrifié leurs vies au cours des deux dernières guerres. Tout cela constitue-t-il une intrusion en Europe ou au contraire, faut-il y voir un lien positif et un maillon solide de la chaîne séculaire de l’interaction féconde entre deux voisins par temps d’épreuve ? Depuis le 8ème siècle, l’Islam et le Christianisme étaient devenus les deux religions universelles dans le monde au sens où l’une et l’autre ont prouvé historiquement leur universalisme et montré que leurs messages respectifs avaient été parfaitement captés par des peuples appartenant à des groupes ethniques, linguistiques et sociaux des plus hétéroclites, et que ce phénomène de conversion s’est opérée sur une longue période et à une vaste échelle. De surcroît, l’Islam et le Christianisme sont les deux seules civilisations à avoir interagi de manière aussi intense. A la lumière de ce qui précède, et en dépit de ces arguments plus que convaincants qui attestent des ressemblances et des complémentarités, l’Europe est entrée dès le départ en conflit avec l’Islam. Je crois pour ma part que la diversité culturelle et religieuse ne doit pas servir de prétexte à la confrontation. Bien au contraire, cette diversité doit être perçue comme une source de puissance et d’énergie. J’ai toujours plaidé pour la sauvegarde de la diversité dans le contexte de l’interaction dynamique entre les cultures, afin de parvenir à un consensus autour de l’ensemble des valeurs requises pour promouvoir la future société « globale ». Il est éminemment regrettable que d’aucuns en Europe continuent à percevoir l’Islam comme une menace et à croire que la ligne de partage entre le « monde musulman » est « l’Occident » ne peut être surmontée. Pourtant, nous croyons fermement, en tant qu’OCI, que tout honnête homme, un tant soit peu curieux du dogme islamique, ne pourra qu’aboutir à cette conclusion que l’Islam n’a jamais été en conflit avec les valeurs et les croyances de l’Occident qui sont, comme chacun le sait, enracinées dans les traditions judéo-chrétiennes et héritées de l’Antiquité Gréco-Romaine. Les préceptes fondamentaux de l’Islam sont directement inspirés des valeurs Abrahamiques, exactement comme les traditions judéo-chrétiennes. La grande admiration que les Musulmans vouaient à la culture et au savoir helléniques, qui ont été par la suite adaptées à maintes études islamiques, fait de l’Islam un partenaire sincère de l’Europe dans son effort de propagation des valeurs et des connaissances qu’ils ont en partage. Cette forme de partenariat fait-elle des Musulmans des contributeurs réels au bien-être des Européens, qu’ils avaient aidés naguère à s’affranchir des ténèbres moyenâgeuses, ou à contrario, faut-il surtout voir dans ces Musulmans des intrus malfaisants et dangereux ? Le plus navrant c’est que les Musulmans d’Europe sont communément considérés et traités comme des populations allogènes. Mais le fait demeure qu’un très grand nombre de Musulmans sont maintenant considérés par beaucoup comme des Européens authentiques. En comptant la population de certains Etats souverains d’Europe de l’Est, comme l’Albanie, la Bosnie ou la Fédération de Russie, et en y ajoutant les Musulmans vivant au Kosovo et dans le Caucase, et, pour faire bonne mesure, ceux qui gravitent autour des confins de l’Eurasie, on obtient un chiffre réellement gigantesque. Mais alors comment catégoriser ces Musulmans ? Sont-ils des intrus ou d’authentiques citoyens de l’Europe ? Un grand nombre de Musulmans d’Europe ont déjà adopté le mode de vie et les valeurs européennes, parce qu’ils les trouvent très proches des véritables enseignements de l’Islam. Ceux-ci ont excellé parmi les sociétés auxquelles ils appartiennent et sont devenus une valeur sûre dans des domaines aussi divers que l’économie, le monde des affaires, la recherche académique, l’éducation, la culture, les études sociales voire dans le domaine, plus prosaïque, du sport. Comment doit-on appeler ces citoyens musulmans d’avant-garde en Europe ? Des intrus ou des membres actifs de la communauté ? A mesure que l’Occident devient plus inquiet, apeuré et soupçonneux à l’égard de l’Islam, on peut être fondé à rechercher la véritable raison sous jacente qui se dissimule derrière cette aversion profondément ancrée dans la psyché de trop nombreux Européens. Je crois fermement que les vieux préjugés sont encore latents et incrustés dans le subconscient de beaucoup d’Européens, et qu’ils continuent à inhiber chez eux toute volonté de comprendre ou d’apprécier l’Islam à sa juste valeur. Cette hésitation et ces inhibitions peuvent nous paraître insurmontables, en ce qu’elles constituent une véritable barrière psychologique qui se dresse entre l’Occident et la connaissance de l’Islam. Aussi longtemps que nous nous obstinerons à ne pas vouloir croire que notre seul et véritable ennemi commun n’est pas la différence culturelle mais bien plutôt l’ignorance, il sera très difficile de concilier nos positions ou de libérer nos esprits et nos consciences des préjugés et des malentendus du passé. Par delà ces peurs irraisonnées, - qui n’en constituent pas moins un grand motif de préoccupation pour nous tous -, il est bien évident que, confrontés à la dure réalité de l’immigration, de l’aliénation, de la discrimination, des bas salaires ou du chômage, l’immigré est toujours enclin au stress et aux frustrations. Les rapports européens sur l’intolérance et la discrimination à l’encontre des Musulmans dans l’UE, ont ainsi pointé le fait que « l’expérience de la discrimination et de l’exclusion peut amener les Musulmans et les membres des autres minorités à adopter des comportements qui tendent à souligner davantage leur ségrégation par rapport à la population majoritaire ». Ces rapports « reconnaissent que l’intégration est un processus bilatéral qui implique l’engagement des deux parties ». Les auteurs ne dissimulent pas leur crainte de voir le climat de méfiance grandissante à l’égard des Musulmans, né des événements du 11 septembre 2001, saper tous les efforts visant à promouvoir l’intégration et, par là même, rendre les immigrés plus vulnérables et plus exposés aux violations de leurs droits humains et à la marginalisation. En dépit de tout cela et dans la foulée des tristes événements du 11 septembre et de la montée du phénomène de l’islamophobie en Europe, de nombreux Occidentaux ont commencé à éprouver le sentiment désagréable d’aller droit à l’affrontement avec les Musulmans d’Europe. Bon nombre d’entre eux, perméables au chant des sirènes de la déferlante de l’islamophobie, ont commencé à imaginer les Musulmans sous les habits d’une sorte « d’ennemi de l’intérieur », pendant que de plus en plus de Musulmans et de membres d’autres minorités ont l’impression de vivre dans un monde parallèle au sein même de la vieille Europe. Le racisme et le ressentiment religieux continuent pendant ce temps à entretenir le climat de haine dans les colonnes des tabloïds européens et des magazines, dans les films, les romans, les dessins animés, etc. Il est vrai que les Musulmans se sont avérés difficilement assimilables au sein des sociétés européennes, mais ils ont néanmoins démontré leur volonté d’intégration. L’identité islamique dont ils sont porteurs est profondément enracinée dans leur ego et leur conscience ; l’extirper est un exercice extrêmement ardu et douloureux. Dans le cas d’espèce, l’intégration - une intégration qui préserverait l’identité des intéressés - apparaît comme un objectif raisonnable et réalisable. Dans la société globale d’aujourd’hui, la multiethnicité est devenue une réalité incontournable de la vie de tous les jours. La présence d’immigrants en Europe répond à une nécessité socioéconomique bien réelle. Leur nombre est même appelé à grandir dans un avenir prévisible à cause de la pénurie de main d’œuvre, des considérations sociétales et du phénomène du vieillissement général de la population européenne. Pourquoi l’Occident est-il obsédé à ce point par la peur de l’Islam ? On peut dire que l’ignorance est la première cause de cette phobie. Une grande partie des médias occidentaux continuent à faire une fixation morbide, en s’obstinant à vouloir coûte entretenir un amalgame coupable entre la foi islamique et le geste fou de cette poignée d’illuminés qui ont commis les actes monstrueux du 11 septembre. La plupart de ces médias avaient délibérément choisi d’occulter ou même d’ignorer les réactions de saine colère soulevées dans le monde musulman par cet odieux forfait, qui avait été rejeté et condamné par tous les Musulmans. L’obsession d’une certaine presse occidentale - comment l’appeler autrement - aura plutôt contribué à creuser le fossé entre l’Islam et l’Occident et à entretenir des doutes et des préjugés d’un autre âge. Permettez-moi de citer à ce sujet un incident récent qui dénote de l’insensibilité totale d’une certaine presse occidentale aux valeurs islamiques. Je veux parler ici de l’exaspération des Musulmans à la suite de la publication par un journal danois de caricatures irrévérencieuses du Prophète Mohamed. Rien n’est plus cher à un Musulman que sa vénération incontestée, son respect déférent et son amour pour le Prophète Mohamed, qui a apporté le message de paix à toute l’humanité. Se moquer d’un personnage que près du cinquième de la population du globe considère comme l’être le plus sacré qui soit, n’est pas un acte banal que l’on peut se permettre de traiter à la légère et encore moins tolérer sous quelque prétexte que ce soit. De surcroît, la publication de ces caricatures grossières était assurément un geste de provocation conscient et délibéré destiné à insulter et à exacerber les sentiments des Musulmans. Il est certes regrettable, quoique bien vrai cependant, qu’il existe aujourd’hui un mécontentement croissant parmi les Musulmans d’Europe qui ont le sentiment d’être victimes de discrimination et d’exclusion à cause de leur profil religieux. Or, on pourrait aisément venir à bout de ce problème en favorisant leur intégration et en leur permettant de bénéficier de l’égalité des chances avec le reste de la communauté. Leur représentation aux divers échelons de la prise des décisions politiques ne pourrait que contribuer à l’harmonie intercommunautaire, rétablir la paix sociale et la stabilité et ériger un rempart solide contre les zélateurs de l’extrémisme. C’est dans cet esprit que j’ai toujours exhorté les dirigeants européens à consentir à une « réconciliation historique » qui rapprocherait encore plus l’Islam et la Chrétienté, et expurgerait leurs rapports communs de tous les motifs de friction. Voilà quelques décennies, nous avions vu ce même scénario se concrétiser entre la Chrétienté et le Judaïsme. A l’ère de la mondialisation, une réconciliation historique islamo-chrétienne pourrait être un événement historique retentissant pour plus de la moitié de l’humanité, ouvrant du même coup la voie à un monde plus sûr et plus prospère pour notre postérité, pour nos enfants. Dans la relation Islam/Occident, la question de la Palestine constitue une véritable pomme de discorde, ou à tout le moins le principal obstacle qui nous empêche d’absoudre cette relation de l’accusation de faire deux poids deux mesures, et de la laver de tout soupçon d’injustice et d’insensibilité. J’aimerais rappeler ici que le peuple palestinien n’est pas entièrement composé de Musulmans. La présence chrétienne en Palestine semble aussi avoir de solides racines en Terre Sainte. Les Chrétiens palestiniens souffrent eux aussi du déni de leurs droits et des épreuves indicibles infligées par l’occupant aux citoyens palestiniens. Pourtant, l’Occident semble être sourd à leur détresse. Mais les souffrances du peuple palestinien ne s’accommodent pas de théories élaborées. Tôt ou tard, une solution politique devra être trouvée. Tôt ou tard, les Palestiniens devront obtenir ce à quoi ils ont légitimement et légalement droit : un Etat indépendant et souverain sur le sol de leur mère patrie, et le retrait immédiat des forces d’occupation de tous les territoires arabes occupés. L’Organisation de la Conférence islamique, ou OCI, est une organisation intergouvernementale comprenant 57 Etats membres et plusieurs pays observateurs accueillant sur leur sol des communautés musulmanes dont la Russie qui fut la dernière en date à se joindre au peloton. L’Organisation a été fondée dans le but de défendre les intérêts du monde musulman et de coopérer avec les gouvernements et les organisations internationales en vue de promouvoir la cause de la paix, du développement et de la stabilité et de combattre la terreur. Le moment est venu pour l’OCI de jouer un rôle réellement constructif dans l’instauration de l’harmonie et de la coexistence pacifique entre les peuples appartenant à des civilisations différentes et de faire voler en éclats le mythe du soi disant choc des civilisations. C’est la position que nous avions défendue et réitérée lorsque les Chefs d’Etat et de Gouvernement s’étaient retrouvés à La Mecque à l’occasion de leur dernier Sommet Extraordinaire. Dès que j’avais pris mes fonctions en tant que Secrétaire général de l’Organisation en 2005, j’avais décidé de faire de cet objectif une priorité et, partant, de l’incorporer dans le Programme d’Action Décennal. Le but que nous cherchons à atteindre dans le cadre du PAD est de projeter l’image de l’Islam en tant que religion de la modération et de la tolérance et de nous engager dans un dialogue inter-civilisationnel, fondé sur la compréhension et le respect mutuels. A cet égard, j’aimerais vous rappeler que j’avais déjà eu l’occasion de m’adresser à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe le 4 octobre 2005 à Strasbourg, et qu’il m’avait été donné ainsi de faire une série de propositions aux Parlementaires européens en vue de conclure un Pacte de Réconciliation Historique. Il s’agissait de : - Reconnaître officiellement l’Islam au même titre que les autres grandes religions pratiquées en Europe, de manière à instaurer la confiance et l’harmonie inter confessionnelles. - Réviser les manuels scolaires à tous les niveaux et par les deux parties, notamment dans les disciplines essentielles comme l’histoire, la géographie, la philosophie, les sciences humaines et sociales, en vue de présenter un point de vue équilibré sur les autres cultures et civilisations. - Etablir un véritable dialogue interculturel aux niveaux local, national, régional et international. - Promouvoir la tolérance et encourager le débat parmi l’intelligentsia et dans les médias concernant les responsabilités des uns et des autres et pour éviter de perpétuer les préjugés réducteurs. - Lancer des campagnes visant à promouvoir et à renforcer le respect du pluralisme religieux et de la diversité culturelle. - Garantir la liberté de la pratique religieuse sans remettre en cause les lois de la laïcité. - S’attaquer aux causes profondes du terrorisme, y compris les contentieux politiques. - Déployer tous les efforts requis pour susciter un sentiment positif de l’appartenance et de la responsabilité citoyenne parmi les jeunes musulmans et les encourager encore plus à participer à la vie politique. - Poursuivre et sanctionner les auteurs d’actes de discrimination raciale et de violence dans le cadre d’une législation appropriée. - enforcer la législation existante contre la discrimination et « le traitement discriminatoire et inéquitable » adoptée par le Conseil de l’Union Européenne. Mesdames et Messieurs, A voir les interactions passées et actuelles entre les civilisations européenne et islamique, on peut aisément conclure que l’Islam a toujours fait partie intégrante de la civilisation du Vieux Continent, et que son apport a été très largement positif du fait qu’il a contribué à promouvoir la société pluraliste et cosmopolite qui caractérise l’Europe d’aujourd’hui. La contribution historique des Musulmans en Espagne et en Sicile a marqué la culture et la pensée européennes d’une empreinte indélébile. Nul besoin de le prouver encore une fois. Les communautés musulmanes d’Europe (Turcs, Tatars, Bosniaques, Albanais et autres) ont ainsi réussi à sauvegarder leur identité islamique et à s’intégrer pleinement dans le riche tissu social européen. A une époque plus récente, d’autres communautés musulmanes, à l’instar des populations du Sud Est Asiatique au Royaume Uni, des Nord Africains en France et des Turcs en Allemagne, sont passées du statut d’immigrants à celui de classe moyenne dans le domaine des affaires, de l’économie, de la politique, de l’enseignement et de la culture. Le legs des Musulmans en Europe est bien plus grand qu’on ne pourrait le penser de prime abord. Une approche positive et tolérante de la part des deux bords ne pourra que contribuer à dissiper les idées préconçues ou les appréhensions injustifiées, et forger une relation plus saine et plus équilibrée. Les Musulmans du monde entier croient profondément qu’à ce moment historique, ils ont un intérêt stratégique et avéré à coexister pacifiquement et à coopérer avec l’Occident et à tirer parti des réalisations et des progrès occidentaux. Les épisodes passés, qui avaient été marqués par des conflits éphémères ou des malentendus passagers, devraient ouvrir la voie à un long avenir de coexistence et de cohabitation, en mettant à profit les atouts que représentent notre proximité géographique, nos civilisations et nos valeurs communes, pour bâtir un lendemain meilleur pour toute l’humanité. C’est notre espoir le plus fervent de voir l’Europe répondre positivement et favorablement à la politique de la main tendue du monde musulman afin de construire ensemble un monde meilleur pour nous-mêmes et pour les générations à venir. Je vous remercie de votre attention.